[Note de la rédaction: N'ayant pu inclure le présent texte dans le numéro précédent, mais ne voulant pas en priver nos lecteurs, voici encore un texte en relation avec la semaine de la santé mentale 2019.]

9 octobre 2019 à l’ULB: «Journée de réflexions et d’échanges autour des vécus et représentations de la santé mentale»

C’est dans le cadre de son cours sur les méthodes diagnostiques en psychologie clinique que le Dr Sandrine Detandt, chargée de cours à l’ULB, organisait cette journée pour ses étudiants en master I, option psychologie clinique.
Le matin, trois personnes ayant un parcours en santé mentale dont une membre de l’asbl EN ROUTE ont partagé leur vécu en présence du Dr Valérie Deckmyn, psychologue clinicienne, responsable de la coordination thérapeutique du Lycée Thérapeutique, Aréa +.

EN ROUTE est une fédération de pairs-aidants qui tend à la valorisation du savoir expérientiel et qui apporte du soutien aux personnes en demande dans les secteurs de la santé mentale, des assuétudes et des précarités.
Les 3 témoignages m’ont fort émue. Ces personnes sont allées dans l'intimité de leur histoire personnelle et très singulière. C'était poignant. Le Dr_Valérie Deckmyn est intervenue en apportant des compléments et précisions sur des aspects plus "techniques". Entre autres sur les différents traitements médicamenteux et séjours en clinique ou hôpital psychiatrique.

L’après-midi, c’était au tour de l’asbl INCONTRI avec la projection du documentaire «L’homme qui ne voulait pas être fou», en présence des réalisatrices Bernadette Saint-Remi et Véronique Fievet.
INCONTRI est une asbl composée de personnes qui s’engagent dans des actions visant à garantir aux personnes en souffrance psychique le droit d’exercer pleinement leur citoyenneté dans une société fondée sur les valeurs de liberté et de solidarité. Lors de ses interventions, elle contribue à promouvoir la prévention et la déstigmatisation de la maladie mentale. Le film de Patrice est proposé en support pour introduire ses interventions.
Le film «L’homme qui ne voulait pas être fou» est un témoignage de Patrice, ancien résident de la maison de soins psychiatrique Sanatia: «Pourquoi un homme tient-il debout? Parce qu'il marche, aime, espère, écrit… Sinon il tombe! Patrice rêve d'une vie différente, rangée, avec un travail, une femme, des enfants. Cette vie, il la sait pourtant inaccessible, lui qui se reconnaît schizophrène chronique, stabilisé. Alors entre la folie qui l'éloigne de cette vie et la normalité qui l'attire tant, Patrice se déchire, depuis 30 ans. L'amour et la mort l'ont entraîné de la rue à l'asile, d'hébergements provisoires en institutions thérapeutiques. Une vie d'errance, avec comme boussole un hypothétique voyage au Brésil. Pourtant, il est debout. Emouvant dans la franchise et la confiance totale qu'il accorde. Un fou? Non, un poète!» (pitch repris sur le site du TEFF.be).
Après la projection, les questions et interventions des étudiants portaient principalement sur les conditions du tournage : autorisations, les autres résidents et le personnel de la MSP,... Les résidents de Sanatia présents dans l’auditoire ont également eu de belles réactions et fait de chouettes interventions !
Puis, la question : "Est-ce que vous avez encore des nouvelles de Patrice?"
Patrice est malheureusement décédé accidentellement en octobre 2018. Il était un membre fondateur de INCONTRI. A chacune de nos interventions, il était présent et, pour la première fois, il n’y était pas.

En seconde partie, c'était LE CODE qui témoignait après la diffusion du court-métrage "Voyage à Kortenberg" réalisé par des membres du CODE et Martine Lombaers, coordinatrice de l’atelier vidéo au CODE. LE CODE est un centre de jour psycho-socio-thérapeutique qui utilise l’art comme médiateur d’expression. L’objectif du CODE est de permettre une réappropriation du champ social afin que chaque personne qui le fréquente se sente et (re)devienne un «habitant de la cité» .
Il y, a à Kortenberg, un hôpital psychiatrique qui utilisait encore des pratiques «à l’ancienne» vécues par une membre du CODE. Elle était présente ainsi qu’un autre membre du CODE et ils ont tous les deux témoigné de leur parcours.
Ces témoignages étaient également poignants et à la fois remplis d’une forme de dérision. Le Dr Deckmyn a aussi pu donner quelques compléments et précisions sur les méthodes utilisées et les pratiques actuelles.
La journée s’est terminée par des applaudissements soutenus de la part de tout le monde: étudiants, intervenants et autres personnes qui participaient à cette journée.
Le Dr Detandt n’a pas manqué de remercier tous les intervenants en nous rappelant qu’il s’agissait là d’une journée inédite qui a pu prendre place à l’ULB. «Ce fut très riche et innovant pour ses étudiant.e.s et pour elle-même. Elle a aussi indiqué qu’elle est très preneuse de réitérer l’expérience l’an prochain.»
Petit à petit, le monde académique bouge. Dans le bon sens!


Isabelle Grosjean (membre d’Incontri asbl)