Comment une personne nécessitant beaucoup de soins dans une pathologie chronique vit-elle la pandémie?
Maryse souffre depuis plusieurs années d’une pathologie mentale, qu’elle arrive de mieux en mieux à gérer grâce à un suivi psychologique soutenu et une médication assez conséquente. Maryse est également accompagnée depuis plus de 10 ans par un pair-aidant. Tous ces facteurs ont mené Maryse progressivement vers de plus en plus d’autonomie. Elle s’est créée autour d’elle un réseau de soins: généraliste, aide familiale, infirmière, kiné, administrateur de biens. Maryse vit à présent seule, ce qui aurait été difficilement envisageable il y a plusieurs d’années…
Maryse souffre aussi de diabète de type 2, d’un taux de cholestérol trop élevé et d’ostéonécrose à la hanche. Elle a donc besoin de soins physiques également.
Sophie Céphale (SC): Comment t’es-tu sentie au début de la pandémie liée au Coronavirus?
Maryse (M): Au départ, je n’ai pas pris ce virus au sérieux. Pour moi c’était comme une bête grippe d’autant plus que je n’avais de symptômes excepté un état grippal, courant chez moi, et diagnostiqué par mon médecin traitant. Il n’y avait donc pas de réelle angoisse pour moi par rapport à cette maladie.
SC: Comment as-tu réagi quand on a dû se confiner?
M: Comme j’étais seule, j’ai eu peur d’être complètement isolée, oubliée de tous. L’angoisse a commencé à monter. J’ai pu recevoir des soins par téléphone avec psychiatre, médecin traitant, infirmière sociale qui ne se déplaçaient plus. J’attendais les coups de fil avec impatience. En fin de journée, je ressentais très fort la solitude. J’allais même me coucher très tôt pour rompre cette solitude. Suite à ces angoisses, on a dû augmenter mon traitement médicamenteux.
SC: Au niveau physique ce confinement t’a posé problème?
M: Oui, car j’ai dû faire mon ménage, mes courses, seule. Mes problèmes de dos ont augmenté. De plus le service m’a imposé différentes aides familiales, ce qui ne me convenait pas ,car elles ne respectaient pas toujours mon régime alimentaire (alors que d’habitude j’en ai une seule, toujours la même).
SC: Connais-tu des personnes qui ont souffert du COVID?
M: Oui, deux de mes amies ont été assez lourdement atteintes, ce qui m’a peinée, car j’ai été coupée de tout contact avec elles pendant tout le confinement. D’autant plus que l’une vivait en Maison de Soins Psychiatriques où les résidents étaient interdits de sortie
SC: Comment perçois-tu la situation actuelle?
M: On ne sait plus quoi faire avec ces masques, on reçoit des consignes contradictoires et les personnes les utilisent finalement comme ça les arrange. Le COVID a parfois bon dos aussi: on m’a, par exemple, empêchée de m’asseoir dans un bus sous le prétexte des 1,5m de distance alors qu’on portait tous le masque. J’ai dû effectuer tout le trajet debout, ce qui fut pénible avec mon problème de hanche
SC: Comment vois-tu l’avenir avec ce virus?
M: J’essaye de vivre au jour le jour. J’essaye de ne pas faire une fixation sur le COVID, je relativise, je vis avec. J’essaye de respecter au maximum les gestes barrières pour me protéger et protéger autrui. Je reste prudente, je ne fréquente pas les grandes foules. Si le bus est trop plein, je prends le suivant.
SC: Qu’est-ce qui te frappe actuellement?
M: Je trouve que les masques devraient être sûrs et gratuits, que la pollution est accrue avec ces masques que l’on jette n’importe où! Pourquoi ne pas les recycler?
SC: Que faudrait-il faire en cas de deuxième confinement?
M: Revenir à plus d’humanité (en respectant les instructions d’hygiène), plus de soutien. Par exemple: j’ai trouvé que les infirmières étaient sur le qui-vive et bâclaient un peu leur boulot… Plus d’écoute, plus d’explication. Il s’agirait de réduire cette psychose ambiante (on ne me laissait plus aller aux toilettes dans les lieux publics non plus…)
Propos recueillis par Sophie Céphale